Au cimetière des héros

Après un instant à marcher, solitaire, la jeune prêtresse pensait enfin être seule avec la nature et rebaissa la tête sur sa vie. La réplique du protecteur l'avait touché beaucoup plus que ce qu'elle aurait voulu démontrer. Malgré elle, Johanniel regarda autour d'elle pour s'assurer de l'intimité qu'elle avait obtenu avant de relâcher sa garde.

Ses yeux étaient devenus humide juste en quittant Belendor, repensant et retraitant tout ce que la Mort lui avait fait. Sa douleur ne pouvait pas être soignée, elle l'avait répété, elle le savait. Ses pensées voyagèrent d'un mal à l'autre, s'échappant une larme à la fois. Elle atteignit le chemin, continuant sa marche déjà très lente. Ses épaules étaient tombante, sa démarche négligée, elle n'avait plus la fière allure qu'elle prenait devant l'ennemi. La prêtresse était restée droite devant Vince, elle était restée droite devant Dramadrix, devant l'élu, devant les Rivmattiens. Pourtant, devant la solitude, elle n'arrivait jamais à garder sa grandeur.

Et tout en marchant, fidèle à ses croyances, la jeune femme utilisait ce qui lui restait d'esprit pour murmurer à son Dieu quelques aveux qui la soulageraient.

«C'est malheureusement quand on est seul qu'on a le plus besoin de vous. Comme si votre nom et vos pouvoirs ne pouvaient pas rimer avec un groupe uni et fier. J'essayerai de suivre l'exemple que vous m'avez donné, j'essayerai d'être aussi ouverte, d'être aussi dévouée que lui. Et si vous m'en laissez la chance, je ferai de mon mieux dans la voix qu'il avait choisi. »

Et tout en avançant dans ses pensées et sur le chemin, elle ne prit plus garde à ce qui l'entourait. N'importe qui aurait pu voir ou entendre Johanniel à ce moment là. Même l'approche de Belendor n'était plus perceptible pour la jeune. Malgré tout, elle réagirait très rapidement si quelqu'un osait l'aborder.

Belendor commençait à penser à laisser la prêtresse sylvaroise tranquille pour une journée complète lorsqu'il remarqua qu'elle ne semblait pas bien aller. Son orgueil semblait légèrement satisfait, mais il fit tôt taire cette réaction en lui.

" Même s'il fallait tôt au tard que je montre ma manière de penser face aux autres, je me demandes bien pourquoi Johanniel n'a pas essayé de me convaincre avec son point de vu à elle, au lieux de quitter sans rien dire"

Incertait de ce que la sylvaroise avait pu déduire de ses paroles à lui, Belendor décida d'accélérer. Il entendit la voix de Johanniel, sans savoir ce qu'elle disait, mais un coup d'oeil aux alentours lui permi de constater que ce n'était pas à quelqu'un, qu'elle parlait. Laissant ses propres idées de roi pour plus tard, le guerrier sylvarois fit craquer volontairement plusieurs branches mortes sur son passage, sans résultat...

De moins en moins certain, le protecteur prit quand même le risque de déclencher une catastrophe naturel, et alla effleurer le bras de Johanniel, pour rajouter calmement :

- Hey... je ne suis pas qu'un bras pour porter une épée, tu sais? Moi aussi des choses me ronges de l'intérieur... et comme mes chances d'émettre mon opinion et qu'on l'écoute n'arrivent qu'à l'intérieur de rêves, et bien j'imagine que mon esprit commence à le prendre mal...

Prise au dépourvu, la prêtresse essuya grossièrement son visage d'une main, comme une enfant prise en faute. Elle avait toujours eu de la misère à admettre ses faiblesses et aucune n'était pire que celles de l'âme. Cela prit quelques secondes avant que Johanniel ne se retourne enfin vers Belendor, le visage rougi par le frottement. Pourtant, cela ne dura pas très longtemps. Une fois qu’elle comprit qui c’était et ce que le guerrier avait à dire, l’ancienne fée détourna de nouveau le regard.

- Ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de m’éteindre aujourd’hui. On cherchera ailleurs un autre jour, d'accord? C'est assez pour moi aujourd'hui...

Lentement, elle reprit sa marche vers le village en silence. La prêtresse avait au moins cessé de pleurer et avait préféré relever la tête pour continuer son chemin. Cachée sous sa grande cape rouge, Johanniel avait arrêté sa main sur le collier de bois qui tombait directement à l'emplacement de son coeur. La fatigue menaçait de lui faire perdre pied, mais tout comme devant les autres, elle se tenait droite, grande, fière... sans avoir les mêmes raisons de le faire.

Johanniel pleurant? Belendor se dépêcha d'effacer sa mine surprise, pour prendre un air plus compatissant. Le guerrier se demanda Si la prêtresse avait volontairement ignoré sa remarque, mais elle ne semblait Pas habitué ni à l'aise de montrer ses émotions devant quelqu'un.

Comme il s'y attendait, La sylvaroise ne pourrait apparament pas aller très loin comme ça, alors Belendor l'arrêta au bout d'un moment.

- Reposes-toi donc tout de suite, avant que l'on retourne vers les problèmes qui t'empêcheront de reprendre tes forces convenablement.

Attendant sa réaction, Belendor pointa un endroit où ils pourraient s'asseoir.

Elle se laissa interrompre avec beaucoup moins de surprise. Johanniel regarda le guerrier un instant, hésitante. Silencieusement, elle semblait juger les options autour d'elle, comme cherchant la fuite. Prenant sa décision, elle hocha la tête se dirigeant vers l'emplacement que lui pointait Belendor. Assise là, la prêtresse n'avait pas encore parlé, lunatique. Jusqu'à ce qu'elle dit...

- L'élu sur la lune, cela devrait nous laisser un peu de temps pour le repos. Je ne pensais pas aller bien loin, mon arbre ou, dans le pire des cas, le manoir Lunenoire. Si cela peut te rassurer, je n'avais pas l'intention de courir me battre maintenant.

Ça va aller maintenant?

La Sylvaroise avait parlé d'un ton très calme, très neutre comparativement à l'état dans le quel Belendor l'avait trouvé. À part quelques reniflements de temps en temps, il y avait de moins en moins de signe de son agitation passé. Johanniel esquivait véritablement les questions et tentait même de fuir la situation, comme si rien ne s'était passé.

Belendor s'était assit près de la prêtresse, légèrement mal-à-l'aise du silence qui s'installait. L'évocation de l'élu fit penser au sylvarois si sa main continuait toujours à détruire la prison elfique. Le guerrier se demandait si ça présence avait vraiment de l'importance, ou s'il ne faisait que retarder le moment ou la prêtresse irait où qu'elle en avait l'intention. Belendor se changea les idées en jouant avec des brindilles, alors qu'une conversation avec Cybèle lui remonta à l'esprit. Ignorant à son tour sa question, le protecteur enchaina :

- Johanniel, parle-moi des valeurs que prône Sylvar.

Ce n'était pas grave. Johanniel avait évité les questions du guerrier, celui-ci avait bien le droit de faire de même. Faisant comme si rien ne s'était passé, elle répondit fidèlement à son titre de prêtresse.

- Sylvar, c'est plus que des simples dogmes qu'on se fait un devoir de connaître par coeur. C'est une vie, une attitude qui marque chacun de nos gestes vers le futur. Sylvar, c'est le nom qu'on donne à tout cela, à celui qui nous inspire exactement ce sentiment, mais on peut l'appeler Slyvrann, Nature, meute, Ahriman ou n'importe quoi d'autre. Cela ne devrait pas changer notre croyance en lui. Sa liberté, son équité ou sa fidélité, ce ne sont pas des barrières dans notre vie, ce sont des accomplissements de toute une vie.

Tu ne peux pas parler directement des dogmes qui forment les écrits de Ahriman Ahriman, mais tous les Sylvarois ajustent ses dogmes selon leur mode de vie. Chacun à notre façon, nous avons quand même tous raison.

Belendor ne s'attendait pas à se genre de réponse, mais il se rappela bien que Cybèle et Johanniel n'était pas fait dans le même moule. Il devrait donc passer à autre chose, puisque le guerrier n'irait certainement pas voir l'autre prêtresse de si-tôt...

- Ça ne répond pas tout à fait à mes interrogations, mais ce n'est pas très grave, ça m'éclaire d'une autre façon, à vrai dire.

C'est avec un peu de temps que Belendor se rappela ce que le mannoir Lunenoire ressemblait.

- Johanniel, quand est-ce que tu vas changer de lieu pour dormir?

Assise sur le rocher au bord du chemin, Johanniel ne put comprendre ce qu'aurait voulu le guerrier avec sa question. Elle se sentait sous observation, comme si on l'étudiait en se moment, mais elle laissa le silence au silence et attendit de voir où voulait aller Belendor, jouant avec son pied gauche avec une petite roche qu'elle atteignait à peine. Quand elle répondit, ce fut de façon innocente et négligée commençant par un haussement d'épaule.

- Bah... Je ne vois pas trop ce que cela me donne d'aller ailleurs, et c'est pas moi qui vais construire quelque chose de mes mains ici. Et puis, je la trouve très bien ma demeure, on y est au sec presque partout, il me reste une fourrure et une couverte que Ina m'a laissé en plus. Avec quelques branches mortes, on peut y faire facilement des feux dans les pièces importantes... Et puis sinon, c'est un souvenir que je me refuserais à perdre et il est hors de questions d'abandonner complètement le Manoir Lunenoire à n'importe qui.

C'était négligeant. La bâtisse n'était pas en très bonne état, mais Johanniel semblait y tenir beaucoup. Déjà qu'après tout un hiver sans elle, la baraque avait pris un autre coup de vieux... Tout ce qui était volable avait été volé et pour le reste, certains murs tenaient à peine, mais cela restait le Manoir Lunenoire.

- Oui, c'est compréhensible. Évident, même.

Le guerrier se releva sans se presser, fixant Johanniel.

- Et bien, si un jour tu as un problème avec tes ruines du passé, ma maison, elle, a toujours une porte pour t'accueillir. Souviens-toi en.

Puis il questionna du regard la sylvaroise pour voir si elle était partante à recommencer la marche. Le main du guerrier était prête à la remettre debout.

Sans surprise, elle prit la main qu'on lui tendait pour se relever d'abord sur une jambe puis l'autre. Lentement, elle pourrait reprendre sa marche vers un lieu de repos.

- Mais je ne souhaite pas d'une autre maison, je souhaite retourner dans la tiédeur de mon arbre au bord du ruisseau. J'aimerais retourner l'élu d'où il vient et reprendre ce qu'on m'a enlevé. Malheureusement, ce que j'aimerais et ce que je peux avoir son assez différent pour l'instant. J'attends encore que Marrius me recontacte... et sans Horus, nous ne pourrons pas finir cette tâche.

- Nous, contacte...

Belendor partie une marche lente.

- Je préfères les souhaits du présent que ceux du passé et du futur, je les trouves plus prêt du but. En attendant que les choses se replaces, je vais aller voir les autres membres de la meute, ils doivent bien avoir apprit quelque chose de leur périple, eux aussi.

Elle avança, confirmant de la tête.

- Je ne veux pas te retenir, je ne crains rien à retourner chez moi seule. Tu peux aller rejoindre les autres sans problème, nous essayerons de trouver ton roi un autre jour.

La prêtresse lui fit signe de la main pour confirmer qu'il pouvait partir. Elle le regarda et lui sourit avant d'ajouter:

- Tu as Sylvar à côté de toi, je l'ai senti avant de commencer mon entraînement. Le mieux que tu peux faire c'est de partager ce don avec tous les autres autours de toi. Moi, je veux dormir et c'est un souhait présent que je peux enfin réaliser!

Belendor parut surprit de la remarque de la prêtresse. Il considérait beaucoup plus les facultés de Johanniel comme étant un don que les moments où il 'en sortait s'en espoir d'y parvenir.

- Si Sylvar est prêt de moi, et bien toi, il est en toi. Dors bien, et ne t'inquiète pas, il n'y a pas que les yeux de Sylvar qui veillent sur toi.

Le guerrier recula lentement, puis, se retourna et fila vers le village. Lorsqu'il fut arrivé là, il alla inspecter les alentours, surtout l'auberge, où les gens étaient la plus part du temps. Il s'assura qu'aucune personne malveillante y attendait, puis continua son chemin. Le protecteur attendit encore que la prêtresse sorte du bois avant de partir réellement. Il avait une belle épée à aller récupérer, et il s’y attarderait pas plus tard que le lendemain matin.